Neuf copains randonneurs intéressés par un périple franco-italien de 7 jours en fin d’été 2025 (20 au 26 août), un entraînement en montagne avant le départ (4 sorties d’une journée vers Saint-François-Longchamp, dans la vallée du Haut-Bréda et près d’Arvillard), la préparation de l’itinéraire avec la carte IGN TOP 25 numéro 3634 OT (Val Cenis), une météo favorable pendant la randonnée, et enfin une bonne cohésion du groupe malgré des rythmes de marche différents (les lièvres attendirent les tortues) : tels furent les ingrédients de ce cocktail revigorant appelé « Tour d’Ambin cuvée 2025 » !
Cette randonnée itinérante fut agrémentée de 2 « variantes » supplémentaires. Elle totalisa environ 5000 m de dénivelée positive, 4900 m de dénivelée négative, 84 km de distance, 28 heures de marche. Ce circuit classique part de Haute-Maurienne (refuge du Suffet au-dessus de Bramans) et rejoint par le vallon d’Ambin la frontière franco-italienne au col d’Ambin. On chemine ensuite versant italien au-dessus de la vallée de Suze, avec retour en France par le col Clapier (frontière). S’ensuit le long vallon de Savine qui amène aux abords du Lac du Mont-Cenis. On boucle l’affaire par quelques cols situés à l’ouest du Petit Mont Cenis, ramenant à la Combe des Archettes qui plonge sur le vallon d’ Ambin.
Nous avons ajouté à ce beau circuit, 2 randonnées permettant d’avoir un meilleur aperçu géographique et historique des lieux (Pas de la Beccia et Fort militaire de Turra, alpages de Bramanette et église Saint-Pierre d’Extravache.)
Jour 1 : refuge d’Ambin
7,20 km, 575 m D+, 2 h 25 de marche.
Nous arrivons en début d’après-midi au refuge-gite du Suffet (1750 m), au-dessus de Bramans, après un voyage de deux heures en voiture. Le temps est humide, nous enfilons les vestes « Goretex », vérifions si tout le nécessaire est bien dans nos sacs à dos pour sept jours d’itinérance, et démarrons vaillamment sur une route encadrée de belles forêts de mélèzes et autres conifères. Très vite, un sentier louvoyant entre les rochers et végétations fleuries sur la rive droite du torrent d’Ambin, nous monte insensiblement au refuge d’Ambin (2270 m). Le site est assez austère, l’accueil de la gardienne Florence très sympathique, et la soirée dans cette maisonnette rustique permet les premiers échanges entre nous 9 et d’agréables convives (une mère et sa fille Zoé en vadrouille).




Jour 2 : Col d’Ambin, refuge Levi-Molinari
8,9 km, 650 D+, 1114 D-, 3 h 20 de marche.
Cette étape menant au Col d’Ambin (2899 m) pour rallier le refuge Lévi-Molinari1, en Italie, fut la plus alpine. D’abord accompagnés de prairies et zones minérales le long du sentier bien tracé en rive droite du torrent d’Ambin, nous sentons la pente se redresser après la bifurcation avec la sente du col de l’Agnel, que nous ignorons. Un passage câblé de roches humides nous mène au-dessus de la conque du magnifique lac d’Ambin. Celui-ci reste voilé par une brume légère, qui laisse apercevoir les eaux turquoise ; séquence « photos » ! Ensuite, courage… pour gravir un vaste couloir rocheux bien raide, balisé de quelques marques rouges, qui nécessite parfois de mettre les mains et débouche sur un beau replat. On profite de cette zone parsemée de névés, de petite végétation et de roches ocre polies par l’érosion, pour rejoindre enfin un superbe abri, le bivouac Walter Reiss, fixé dans la brèche du col d’Ambin, à la frontière franco-italienne. Une photo « pot de fleur » (traduire : « photo de groupe au sommet ») s’impose.
La vue s’ouvre sur le Val de Suze. Le début de la descente s’effectue dans un étroit couloir assez raide, et la pente se maintiendra sur les 400 premiers mètres. Ensuite, on dévale (façon de parler !) le sentier balisé rouge et blanc jusqu’à une zone plus plate et vaste, laissant sur notre droite de beaux troupeaux de vaches et rejoignant des mélèzeraies entourées de mélanges de graminées blondes et fougères vertes. Un enchantement qui durera jusqu’au refuge Lévi-Molinari (1849 m).
Celui-ci s’avère bien agréable, malgré quelques installations défaillantes, du fait (dixit le gérant) des conditions climatiques de sécheresse. Des blocs d’escalade créent de l’animation, de nombreuses sculptures en bois décorent la terrasse, et le Rio Galambra offre de belles vasques pour la toilette du jour.















Jour 3 : refuge Vaccarone par les Dents de Chiomonte
Distance 14,7 km, D+1300 m, D-359 m, 5 h 32 de marche.
Totalement en Italie, cette étape parcourt le versant sud de la crête reliant les Pointes Sommeiller, d’Ambin et Ferrand, en passant par les fameuses Quatro Denti Di Chiomonte. Partant du refuge Lévi-Molinari, elle rejoint le refuge Vaccarone (2770 m) par un sentier balcon qui traverse de beaux hameaux (Grange della Valle et Grange Clot Di Brun) aux toits de lauzes colorés. Les monolithes de roches métamorphiques, en nombre bien supérieur à 4, s’élèvent fièrement dans des pentes toutes vertes, avant que le sentier (toujours balisé rouge et blanc) ne franchisse un col.
Un peu avant, nous passons devant la sortie du trou de Thullie, ouvrage remarquable creusé par un certain Colombano Romean de 1526 à 1533, pour canaliser l’eau de la vallée de la Clarea vers la vallée de Suze pour l’irrigation. Il est toujours en service.

Nous rentrons alors dans le vallon de Tiraculo, très bucolique, où nous arpentons un sentier reposant, après toutefois une descente et une traversée ardues amenant aux granges de Thullie. La suite est plutôt agréable, avec passage devant une belle caserne militaire en pierres, le Rivovero del Gias. Le refuge est sur un promontoire très ouvert. Les bouquetins y sont « comme chez eux ». Le lac del Agnelo, à proximité, fait le bonheur des adeptes de la nage en lac de montagne et des contemplatifs. L’ambiance de la soirée est bien italienne et montagnarde, le gardien Andrea gérant son refuge avec bonhommie.



















Jour 4 : Col clapier, refuge du Petit Mont-Cenis
Distance 11,7 km, D+280 m, D-869 m, 3 h 36 de marche.
Nous quittons Vaccarone par un sentier-balcon qui amène à une faille rocheuse équipée de câbles, et descend plein nord vers le cirque des lacs Clapier. Cet intermède assez physique est suivi de la traversée du cirque, où l’on s’amuse de voir de belles vaches (italiennes ?) baguenauder sur les névés. Le Rio Clapier déroule paresseusement ses méandres. La courte remontée au bivouac Hannibal débouche sur le col Clapier (ou de Savine) à 2503 m, frontière. La vue est magnifique, avec le lac de Savine bleu profond en contrebas, les versants doux et verts, et au loin, les Dômes enneigés de Vanoise. En ces lieux, dit-on, Hannibal passa avec sa troupe de 30 éléphants, il y a bien longtemps, lors des Guerres Puniques.
La descente du long vallon orienté nord-ouest est entrecoupée d’une sieste idyllique, le dos calé contre un rocher modelé, les yeux clos sur des images apaisantes, toutes de vert et de bleu. Nous choisissons de pique-niquer aux lacs Perrin, au prix d’une petite remontée de 100m avec quelques câbles. Là, des libellules et des herbes couchées sur les fonds vaseux accompagnent notre dégustation. La face nord d’une des dents d’Ambin trône majestueusement sur l’autre rive du vallon de Savine, telle une cathédrale de pierre. Une courte descente parmi les myrtilliers aboutit au refuge du Petit Mont-Cenis (2120 m). Ce sera notre « home » pour deux soirées.














Jour 5 : pas de la Beccia, Fort de laTurra
Distance 19 km, D+980 m, D- 950 m , 6 h de marche.
Du refuge, nous partons vers le nord, dans des alpages qui conduisent au Grand Plan. La pente se redresse progressivement, ménageant des vues superbes sur le lac du Mont-Cenis et les vaches brunes qui paissent silencieusement. Ça glisse parfois sur la terre sèche et tant bien que mal, nous gravissons ce pas (2717 m) que marque une borne. Le temps d’admirer encore le lac, nous filons plein nord sur un bon sentier tracé dans les schistes, sous les crêtes de la Cime du Laro. L’ancien fort militaire de la Turra est un ouvrage complexe, fait d’un porche d’entrée monumental, de plusieurs casemates et tunnels communicants, qui permettent la surveillance du col et du lac du Mont-Cenis. Le vent froid s’est invité dans toute cette zone, et nous recherchons un lieu de casse-croûte un peu plus bas. La descente au lac du Mont-Cenis s’effectue par un sentier bien raide au début, fleuri de gentianes asclépiades bleutées.
Au niveau du col du Mont-Cenis, certains choisissent pour finir, l’option café/ auto-stop, d’autres le retour sur le bitume (environ 7 km), d’autres enfin, une variante surplombant la route sur un sentier bordé de prairies rousses et de bouquets roses d’épilobes. Douches , étirements, bières et bon repas dans ce refuge bucolique du Petit Mont-Cenis, terminent cette journée dans la convivialité. Dehors, marmottes et marmottons s’en donnent à coeur joie !


























Jour 6 : col de Bellecombe, col des Archettes, refuge du Suffet
Distance 13,2 km ; D+600 m ; D-982 m ; 4 heures de marche.
Le départ au soleil matinal est calme, sur des pistes tracés entre les alpages qui passent par la ferme de Mestrallet. Les vaches nous regardent curieusement depuis les fenêtres de leurs stalles (rigolo !). Le col de Bellecombe situé plus au nord (2475 m) est entouré de reliefs assez doux. La suite du parcours se fait hors sentiers, sur des traces confidentielles ponctuées de petites roches blanches en gypse, nécessitant plus d’attention quant aux directions à suivre vers l’ouest. De nombreuses edelweiss égaient les sols pierreux. Le col des Archettes (2510 m) est peu marqué. Sous l’oeil impassible du Mont Froid, nous a y admirons les versants sud du ruisseau de Laméranche, le long duquel nous allons descendre. Ces versants sont couverts de végétation rase striée de grandes coulées écrues de roche de type gypse. Et au deuxième plan, les glaciers de Chasseforêt s’étalent en masse gris-blanc. La Combe des Archettes est bien raide pour nos guibolles dans sa partie alpages, comme dans la partie inférieure. Nous traversons une zone totalement ravagée par tempêtes ou avalanches, les arbres sont couchés, leurs troncs cassés et secs. Un pin à crochets centenaire nous dispense alors son ombre bienfaisante pour le pique-nique bien mérité. Vers Lameranche (1580 m) nous rejoignons enfin le torrent d’Ambin, traversé sur une large passerelle en béton. Là, une remontée de 3 km environ sur le bitume nous ramène à notre point de départ, le refuge du Suffet (1750 m).









Jour 7 : Circuit Saint-Pierre d’Extravache, refuge de Bramanette, refuge « Lo Tsamou »
Distance 9,3 km, D+600 m, D-582 m, 3 h 10 de marche.
Nous partons en voiture sur la route qui descend à Bramans, et nous nous arrêtons au parking de la chapelle de Saint-Pierre d’Extravache (1660 m). Rapidement, nous empruntons une piste forestière très raide orientée au sud. Elle rejoint Pré Maudru et se raccorde au sentier menant au vallon et refuge de Bramanette (2074 m). Celui-ci est fermé pour travaux mais nous apprécions la pause dans ces paysages tranquilles. Nous entamons le retour par un sentier-balcon noyé dans la végétation, à la cote moyenne 2150, direction est, jusqu’à rejoindre le beau refuge de LoTsamou (chamois en patois savoyard) à l’altitude 2080 m environ. Après la pause repas et boissons, nous descendons une dernière fois dans la forêt jusqu’à la belle esplanade de l’église inscrite aux monuments historique, que nous visitons avec curiosité.












Participants : Virginie, Sigrine, Bérénice, Dominique, Fabienne, Geneviève, Alain, Daniel, Jean-Philippe.

- Construit en 1928,le refuge a été nommé en mémoire de Mariannina Levi, alpiniste et skieuse décédée deux ans plus tôt. Sous le fascisme, le refuge a été rebaptisé Magda Molinari, car les lois raciales interdisaient l’utilisation d’un nom juif. Après la guerre, pour ne vexer personne, le double nom a été adopté, bien que les Turinois l’appellent encore affectueusement « il Mariannina Levi ». (https://www.caitorino.it/rifugi/levi-molinari/) ↩︎
1 commentaire
Alain COMTET · dim. 31 Août. 2025 à 16 h 27
Quelle prose !
Merci Geneviève pour ce compte-rendu riche et complet et ce très bel album photos. Vivement 2026 ! 😊
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